dimanche 4 juillet 2010

Fogo : ascension au volcan


Pico Fogo 2900m


Je suis un peu inquiète : 1200m de dénivelé dans les scories, cela doit être quelque chose ! Je ne suis pas sûre de parvenir au sommet. Je suis aussi très excitée. Après le Pic de Bure et l’Obiou, je n’avais plus de sommet à vaincre en perspective. Le Pico Fogo est impressionnant, 2900m c’est haut. Je suis toujours fascinée par les volcans qui sont chargés d’un mystère supplémentaire. A ma collection de volcans, le Puy de Dôme, l’Etna, l’Erceyes en Cappadoce. Serais-je capable de terminer la randonnée ?

Départ à 6h30
José paraît très jeune et ne fait pas ses 20 ans. Il est plutôt timide, - petit pour un Capverdien- chemise à manches longues, pieds nus dans ses baskets et les mains vides. Il parle un peu français. Je profite de l’occasion pour prendre une leçon de Portugais. Il s’y prête avec beaucoup de bonne volonté pendant la marche d’approche, dans les vignes sur des petits lapillii noirs très brillants, presque du sable. Dès que nous entamons la montée, je garde mon souffle. Très rapidement, le sentier grimpe tout droit selon la plus grande pente. Je ralentis l’allure et raccourcis mon pas. Mais déjà nos pieds s’enfoncent comme dans une dune. Je m’essouffle sur ce substrat qui ne donne aucun appui.

José, très patient, propose «une petite pause». Le soleil vient de se lever, la mer de nuages cache l’océan et le rivage. A 8h00 l’ascension est à peine entamée.

Rapidement, cela se complique, nous sommes censés gravir une arête rocheuse. Les rochers ne sont pas stables, j’essaie de m’aider des mains, mon sac me déséquilibre. Heureusement, Olivier porte un énorme sac à dos vide et propose de me débarrasser. Sans le sac, je suis plus légère et je peux monter à quatre pattes «style macaque» On n’avance pas, José multiplie les pauses pour souffler. La cime au dessus de nous est énorme. La progression très lente. A nouveau, on s’enfonce dans le sable noir. J’ai l’impression qu’on ne parviendra jamais. En haut pourtant, à la dernière pause, nous sommes à 50 m du sommet. Encore à quatre pattes, j’y arrive.

Sur la crête, nous découvrons le cratère : quelle surprise ! Le vent souffle, on a presque froid. Les nuages se sont dispersés, l 'île de Santiago sort des nuages. Dans le cratère profond, très noir, des traînées jaunes de soufre. Des fumerolles se dégagent avec leur odeur infecte. Nous sommes bien sur un volcan actif !

Au creux du cratère, un groupe de touristes ramasse des pierres pour écrire leurs prénoms, - c’est la tradition-. Nous y renonçons à l’idée de descendre pour avoir encore à remonter ! C’est tellement plus beau vu d'en haut ! J’ai oublié la monté pénible (beaucoup plus dure que l’Obiou). Nous sommes récompensés. Des petites plantes sont en fleurs des langues de lézards. J’ai réussi ! Je suis fière de moi mais je me garde bien de parader. Il est onze heures. Nous avons mis quatre heures et demie au lieu des trois heures annoncées.
A la pause, le pique-nique manque, seulement un bonbon pour reprendre des forces.

Godille dans les cendres

La descente est un plaisir. Nous contournons le cratère sur une arête vertigineuse. Je regrette d’avoir des tennis lisses peu sécurisantes. Puis un peu d’escalade sur des rochers bruns et enfin la récompense : la descente dans le sable noir... On se dirait sur une immense piste de ski. On plante les talons, écarte les bras et on se laisse porter par une coulée de gravillons qui dévale sous nos pas. Le piège, ce sont les grosses pierres cachées sous les cendres. Tout le monde ramasse des gadins, les uns après les autres, puis la pente devient très lisse. On se laisse entraîner en courant, les gravillons arrivent nettement au dessus des chevilles, mais c’est très doux. José se déchausse et fera les trois quarts de la descente pieds nus, chaussures à la main. Nous arrivons directement sur le petit cratère de 1995 «le petit pic» qui est un enchantement pour les yeux, avec toutes ses couleurs, nuances de rouge orangé, noir, traînées de soufre jaune, dépôts blanchâtres...

les vignes de Fogo
Enfin, nous nous retrouvons dans les vignes. José cueille une grappe pour chacun. Le raisin noir à petits grains est très sucré, quelques grains desséchés ont le goût de raisins de corinthe. C’est délicieux et réconfortant.

Chez Patrick
Pour déjeuner, je me contente de trois bananes. Après-midi, tout le monde dort ou se traîne, crevé par l’ascension.

Le jardin enclos par les arcades ombragées est un lieu clos pour établir des liens avec les autres visiteurs. Nous sommes montées avec un couple de médecins très classe, un peu méprisants, qui nous avait paru antipathiques à l’aéroport qu'on avait classés dans la catégorie des culottés et des profiteurs. Ils avaient également emprunté la Jeep d’André et Régine avec le même naturel. «Fastoche !» était leur expression favorite. Ne pas se fier aux apparences, ils ont été charmants ce matin, en grimpant le volcan. Elle, Ullriikke (finnoise), médecin, fait un stage à l’hôpital de Dakar. Lui est orthopédiste. Nous faisons appel à leurs services et Ullriikke donne une consultation à D : ce n’est pas l’appendicite, heureusement. En revanche, elle n’est pas en faveur de l’Immodium et lui donne un autre médicament.
Je dîne avec les deux allemands avec qui je m’exerce à parler allemand. Cela commence à revenir. Ils me félicitent pour mon accent, même si le vocabulaire est enfoui loin dans ma mémoire.
Tout le monde a appris à jouer à l’awalé.

Au dîner Patrick raconte Fogo

Le dîner est fameux : magnifique plat de poisson, daurade coryphèle (cela ne ressemble en rien à la daurade) sur un lit de bâtonnets de carottes avec quatre flans de courgettes et quatre beignets de purée. C’est très joliment présenté, très nouvelle cuisine, la sauce à la crème et au vin blanc est délicieuse.

Patrick, pour terminer la soirée, nous raconte Fogo, l’immigration vers l’Amérique avec les allers et retours des immigrants qui irriguent l’économie de l’île en dollars. Aussi le trafic des «bidons» dans lesquels ils envoient hors taxe des vêtements de marques qu’ils revendent pour trois fois rien sur l’île. Ensuite les bidons servent à tout, à aller chercher de l’eau, à faire des échafaudages, construire des tables ou des armoires : «civilisation du bidon»
C’est la fête au village. Nous entendons de la musique partout. J’irais à la fête bien en compagnie des allemands ou des médecins, mais Patrick nous encourage très mollement. Seuls les hommes y seront, cela serait peut-être gênant pour les filles.

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