dimanche 4 juillet 2010

Praia, la capitale de Santiago et du Cap Vert

Dans notre maisonnette de la rua Banana, il fait bien noir la nuit. Je n’avais pas prévu que la campagne serait si bruyante. Au lever du jour, nous sommes réveillées par un vacarme incroyable : aboiement des chiens qui se répondent, puis les coqs donnent de la voix. Grondement des vagues, imperceptibles le jour. Quelle heure peut-il être ? A six heures, je sors dans la cour sous le regard suppliant de Croquette, le chien, qui gémit pour réclamer des caresses.
Il fait très beau, encore frais. Sur l’antenne de télé la plus proche, un couple de très beaux oiseaux s’est posé. Ils ont le bec rouge, la tête et le cou blanc les ailes noires sur le dessus et bleu métallique vers l’arrière. Ce sont les Passerinhos, oiseaux endémiques de trois îles du Cap Vert : Santiago, Fogo et Brava.

Petit déjeuner - Bab kader, notre cuisinier

A sept heures et demie, petit déjeuner sur la terrasse du magasin de souvenirs. Notre cuisinier écoute RFI. Il est sénégalais et a habité Neuilly. Comme il ne comprend pas le créole, il écoute la radio en français. Nous découvrons que le propriétaire ne se nomme pas Joseph mais Abel. On lui demande pourquoi il se fait appeler Joseph. Ici, c’est la coutume d’appeler le père du nom de son fils. Je lui demande comment il s’y retrouve, cela le fait sourire. Lui s’appelle Bab Kader.

Praia

Abel-Joseph, en plus d’accueillir des touristes, est chauffeur d’aluguer. Il nous conduit à Praia dans son minibus et nous débarque au pied du Plateau construit sur une épaisse coulée de basalte. On y accède par un escalier. Sur les murs, des fresques colorées à la gloire de l’amitié des peuples, une carte d’Afrique avec des symboles de la paix : « tous égaux, tous différents ». Les beaux quartiers de Praia occupent le plateau quadrillé de rues qui se coupent à angle droit. Deux jolies places sont aménagées avec des jardins publics. Les bâtiments officiels ont deux ou trois étages et datent du début du XXème ou fin du XIXème et ressemblent à leurs homologues portugais. Cela forme un ensemble charmant, propret, coloré et animé, évoquant plus une sous préfecture qu’une capitale. Le palais présidentiel forme un bel ensemble de bâtiments peints en jaune entourés de jardins fleuris de bougainvilliers ; à l’arrière une caserne est installée dans un petit fort jaune avec une tourelle carrée plus kitsch que militaire. Moins kitsch, les tanks garés au dehors.

Nous avons vite exploré le Plateau avec une attention particulière pour les supermarchés. Nous comparons les prix avec ceux des petites épiceries : deux fois moins cher. On finit par trouver une bouteille de Pernod hors de prix dans une boutique de spiritueux. Pour les journaux français, il faudra renoncer, ceux-ci sont en consultation au centre culturel français, mais pas en vente. Le marché est la curiosité particulièrement recommandée par les guides. Sur un très petit périmètre sont installés de nombreux étals où on vend toutes sortes de légumes : carottes, oignons, choux de toutes sortes, pommes de terre, patates douces, betteraves, haricots verts, tomates, poivrons courgettes. L’exotisme vient plutôt des fruits : mangues, papayes, anones, amis, aussi, raisins, oranges, pommes, poires... Nous achetons 4 avocats. Le sac en plastique coûte aussi cher qu’un avocat (40$). Ici, les sacs plastiques sont récupérés, lavés et sèchent sur les cordes à linge du village. Cela n’empêche pas le désert d’en être jonché.

A 10h30, nous avons fini la visite et nous installons devant le palais présidentiel pour écrire les cartes postales qui arriveront dans une semaine. Nous sommes à l’ombre, sur le rebord de la corniche qui domine la mer : les plages, le port et les quartiers de Praia construits sur les collines et en bas un stade monumental.

Le Musée (minuscule) est fermé quand nous y parvenons à midi, nous passons devant le lycée et descendons une rampe pour arriver à Sucupira, le marché africain. Je m’attendais à plus pittoresque. Des fripes, vraies marques ou contrefaçons de jeans, sont suspendues. Monceaux de baskets, Nikes ou imitations, des sous vêtement de couleurs violentes. Oh, le beau soutien gorge vert pomme ! Et le string orange ! Je voulais acheter un chapeau et un paréo. Ils proviennent tous d’Indonésie, batik avec trois couleurs au choix. Les beaux tissus africains sont vendus au mètre à l’intérieur des petites échoppes. Quant au chapeau qui remplacerait celui que j’ai perdu à Sal, je ne vois que des casquettes de base ball ou des bandanas... Les plus beaux articles sont de belles chemises colorées à larges motifs, mais réservées aux hommes. Nous ne nous attardons pas dans Sucupira, finalement déçues.

Retour en aluguer

L’aluguer nous conduira « chez nous » à Cidade Velha.
Le trajet est plus long que prévu. L’aluguer part quand il est plein, et même bourré. C’est la sortie de l’école. Les lycéens forment l’essentiel des passagers. Il part donc rapidement, mais ce qui n’était pas prévu, c’est qu’il s’arrête au sommet de la côte pour permettre aux femmes de terminer leurs emplettes. Elles descendent toutes et s’en suit un va et vient de bassines de poissons. Chacune a du mal à caser ses paquets. Comment ferons nous avec nos valises pour aller à Tarrafal ? Au bout d’un quart d’heure, le Hiace reprend la route et dépose ses passagers à tour de rôle. Chacun va à la fenêtre avec ses pièces. Dominique fait passer la monnaie.

On achète une boite de thon au village et déjeunons sur le pas de notre porte d’anone et de thon.
C’est le premier jour ensoleillé, beaucoup plus chaud (28°C) que les premiers jours. Nous préférons faire la sieste avant de nous baigner..

La baignade tourne court. La plage sert de terrain de foot. Seuls se baignent de très petits gamins. Le plus vieux doit avoir sept ans. Je suis gênée de m’exhiber devant tout le village.

Après-midi rua Banana, aquarelle en compagnie des enfants

Retour donc rua Banana, je sors mes aquarelles. J’aurais aimé peindre la rue elle même mais je commence par la montagne dominant le paysage encadrée par les hauts cocotiers et quand je dessine les maisons il n’y a plus la place que pour trois. Je travaille sous l’œil attentif de deux petites filles, surtout de Sarita qui m’indique les couleurs en créole.
Peindre n’est pas photographier.

Avec les photos j’engrange des souvenirs, des preuves, et parfois il sort quelque chose de beau. Je conçois la photo comme du reportage. J’essaie de faire un cliché même si l’endroit visité s’y prête mal. Comme ce matin à Praia. Mes panoramas, les vues dégagées sur les lointains, font rarement de belles photos. Dominique réussit mieux les siennes parce qu’elle n’a pas le souci du témoignage. Elle ne prend la photo que lorsqu’elle a un bon sujet ; en ce moment elle fait uniquement des portraits d’enfants.
Pour la peinture, la fidélité est secondaire. On peut élaguer, recadrer, recomposer. Mais il faut compter avec ma maladresse !

Promenade dans la campagne

Promenade dans le lit sec de la rivière. Nous découvrons toute une vallée cultivée entre deux falaises. Les arbres sont immenses, magnifiques manguiers et cocotiers. A l’ombre poussent canne à sucre, bananiers et légumes. Les cannes à sucre s’étagent dans la montagne sur des terrasses minuscules et assez rudimentaires. On restaure les vestiges de l’ancienne ville de Cidade Velha, son ancien couvent, la Pousada.

La promenade ombragée est très agréable sauf quand on passe à côté d’une distillerie de grogue : l’odeur est pestilentielle. Sur les rochers les chèvres se battent et poussent des cris humains. Les passerinhos volent au dessus de nos têtes avec leur éclat bleu métallique.
Joseph, le fils d’Abel, est le véritable patron de l’entreprise familiale de tourisme. Il a fait des études d’économie en France où il a vécu longtemps, il s’exprime plus facilement en français qu’en créole et prend ses grands airs de jeune cadre dynamique. Ce soir, il est venu avec un ami ingénieur agronome qui aurait pu nous raconter des choses intéressantes s’il avait été en meilleure forme. Il est saoul.
Le dîner se termine mal : la feijoada est mal passée.

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