samedi 28 août 2010

Vinales : rando avec Florentino, agriculture, flore


Nous sommes dans un karst d’où émergent les grosses buttes des mogottes. L’hôtel est bâti sur une hauteur domine toute la vallée Le fond de la vallée est plat.Nous descendons un raidillon glissant.
Notre guide commence par présenter le Palmier Royal, l’emblème de Cuba. Ses feuilles servent de couverture aux toits de chaume des sécheries de tabac. Ses dattes ne sont pas comestibles par les humains mais constituent la nourriture des porcs. Protégé par la loi, on ne doit pas l’abattre.

Les étendues vertes qui longeaient l’autoroute très plate m’avaient intriguées. Il s’agit de rizières inondées par les pluies de l’été. L’hiver étant théoriquement sec, il n’y a rien. Le riz est la nourriture de base des Cubains.

Comme nous l’avions vu au Canada, au village Huron, ici aussi, maïs et haricots poussent ensemble .Le maïs fournit de l’ombre pour les haricots noirs qui fertilisent le sol avec l’azote qu’ils fixent.

Le malanga qui ressemble aux ignames, est la nourriture des petits enfants,
plus riche que le manioc (plus cher aussi). Le manioc appelé ici yucca, est aussi un ingrédient de base de l’alimentation cubaine. Après 1992 et la chute des démocraties populaires et de l’URSS, quand l’aide russe n’est plus parvenue, les Cubains furent sauvés de la famine par le manioc. Une blague court qu’il faudrait élever un monument en l’honneur du tubercule salvateur. Il n’est pas pilé comme en Afrique ou au Cap Vert mais accommodé de nombreuses manières, bouilli ou frit.

Aujourd’hui, après la pluie, la terre est parfaite pour le labour, légère, humide mais pas boueuse. Nous voyons plusieurs attelages de bœufs au travail dans de petits champs. Le paysan parle sans arrêts à ses bœufs : il les appelle, s’il veut tourner à gauche il nomme celui de gauche, à droite le bœuf de droite. A la fin de chaque sillon, l’homme soulève la charrue de fer, ôte avec la machette la terre collée au soc, et retourne. Durant la matinée nous n’avons vu qu’un seul tracteur ? L’agriculture est très peu mécanisée ici. Dans les champs, on rencontre les vaches noires, beiges ou marron. Il est interdit de les abattre pour la boucherie, elles servent pour le lait et la reproduction.

Beaucoup de chevaux aussi, le plus souvent très maigres. Florentino, avec humour rappelle Rossinante de Don Quichotte. Interdit aussi de les abattre. Le cheval est plus utile qu’une bicyclette dans les champs. Les campesinos ont fière allure avec leur sombrero de paille, leur machette dans un étui battant sur le côté, souvent le chien suit son maître.

Dans la vallée de Vinalès, la plupart des paysans sont propriétaires de leur exploitation – pas de ferme collective ici – ils peuvent transmettre la terre à leurs enfants, mais pas la vendre. En revanche la récolte est étatisée. Les cultures vivrières (haricots, tomates, manioc) permettent aux paysans de se nourrir. Ils peuvent également vendre le surplus au marché. Pour le tabac et les plantes industrielles, il y a un quota à fournir ; Le paysan obtient des gratifications supplémentaires s’il dépasse le quota.

Dans les champs, de nombreuses mauvaises herbes poussent – pas d’herbicides –Dans le tabac, on utilise de l’insecticide. Pas d’engrais chimique non plus, on compte sur les légumineuses (haricots mais aussi acacias et toute la famille des mimosas) pour l’azote. On épand aussi les tiges de tabac concassé, les cosses de haricots qui servent d’engrais organique.

De nombreux arbres sont dispersés .La ceiba, (peut être celle de Zoé Valdès) qui porte les esprits et les dieux africains. Elle non plus n’est pas abattue, protégée par les croyances animistes.

Les ficus sont presque aussi imposants. Florentino montre une sorte de racine aérienne, une sorte de liane de ficus qui pend verticalement à l’aisselle de la branche basse d’un autre arbre qui, d’ici quelques années, sera étranglé par le ficus qui prendra sa place.

Autre arbre imposant le mamée que nous avons vu hier au jardin botanique. Sa graine coupée exhale une odeur forte de médicament. Elle est utilisée en médecine naturelle contre le rhume.
Plus petits, les goyaves, pamplemoussiers, orangers dispersés dans la nature. Ils poussent à l’état presque sauvage et donnent généreusement leurs fruits aux passants. On a même trouvé une noix de coco qu’on s’est partagée.

Plus difficilement identifiables, sont les arbres à feuilles caduques, déplumés en ce moment .Autre présent de la nature : les manguiers .L’été chacun se sert de mangues comme bon lui semble.
Et toujours sur les grands arbres : les épiphytes, ici des broméliacées de la famille de l’ananas.
Le guide nous montre à terre une toute petite pousse de sensitive avec son pompon rose : dès qu’on la touche, les folioles réagissent et la feuille se replie.

Cette promenade est très pédagogique. Florentino n’hésite pas à répéter les explications. Je cherche à vérifier les connaissances acquises et pose des questions, tantôt en espagnol, tantôt en anglais quand les norvégiens participent à la conversation. Le plus âgé raconte que, pendant la guerre, il a fait pousser du tabac en Norvège. Cela amuse tellement le guide qu’il répète cette histoire à tous les paysans que nous rencontrons, tout à fait incrédules. Le Norvégien confirme. De toutes les façons, le tabac poussé au soleil de minuit ne peut pas se comparer au tabac cubain !
Nous passons devant une ferme plus prospère qui possède une voiture et un séchoir à tabac en forme de hangar de planches. C’est le plus gros producteur de la vallée. C’est l’occasion d’aborder le sujet du tabac. D’abord la cueillette des feuilles, à la main, une par une. Le cultivateur étête la plante pour que les feuilles se développent mieux, les inflorescences sont coupées ainsi que les bourgeons terminaux. Les feuilles sont installées sur des séchoirs, d’abord à l’extérieur puis à l’intérieur dans ces maisons en V inversé. Nous en visitons une et découvrons à l’intérieur plusieurs plateaux installés sur des montants de bois à différents stades du séchage. Les feuilles sont enfilées sur des fils unes à unes. Les plateaux sont déplacés Les feuilles brunissent et fermentent. Elles seront ensuite triées par les femmes et réparties par qualité.
Nous arrivons à une petite ferme de bois précédée de son auvent avec les deux chaises à bascule. Un magnifique mamée, couvert de fruits, donne de l’ombre devant la cour.

En dessous, une machine primitive pour écraser la canne sucre avec deux manivelles : Deux hommes tournent la manivelle, la femme alimente en tiges la presse. Nous avons déjà vu broyer la canne au Cap Vert, mais c’était pour confectionner l’aguardiente. Ici la machine est beaucoup plus petite à usage familial, trois tiges suffisent pour remplir la moitié d’un petit seau. On nous sert la boisson à l’arrière de la maison derrière la cuisine sur une table en planches disjointes avec des bancs. Le jus de canne est versé dans un verre en plastique. On évide le haut d’un gros pamplemousse, chacun verse un peu du jus de canne dans le trou du pamplemousse. On aspire le mélange avec une paille. La boisson est rafraîchissante et surtout joliment présentée. « Une idée à retenir quand on reçoit des amis » s’exclame une des norvégiennes. Au fur et à mesure, on écrase le pamplemousse et rajoute du jus de canne. Le guide précise avec de lourds sous entendus que la boisson est aphrodisiaque. Il en attend le résultat. Sa femme ayant enlevé son stérilet il y a quinze jours. Il aimerait avoir une petite fille puisqu’il a déjà un garçon. Il traduit en espagnol sa plaisanterie à l’intention de nos hôtes. Sous ses dehors très modernes, écolo et scientifique, le macho cubain apparaît.

Les animaux se joignent à nous, un petit chien poilu genre de pékinois, un petit chevreau se laisse caresser, il est doux et affectueux.
Le paysan revient avec un sac de tabac. Il roule un cigare qu’il offre aux norvégiens. Il froisse deux feuilles ordinaires pour l’intérieur, la tripe, puis choisit une belle feuille souple qu’il nous fait toucher et flairer avant de la découper avec des ciseaux et roule soigneusement.
La promenade s’achève par la remontée bien raide et bien glissante dans le petit bois derrière l’hôtel. Elle a duré un peu plus de trois heures.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire