samedi 28 août 2010

Vinales sous la pluie


Comment raconter Cuba ?
Nous vivons dans un monde parallèle pour touristes. Hôtel de luxe, autobus de luxe, monnaie différente. Les gens que nous rencontrons sont les acteurs principaux de cette industrie touristique : serveurs, réceptionnistes… Le but avoué est d’obtenir le maximum de dollars. D ne les trouve pas aimables, elle ne supporte pas leur insistance à quémander des pourboires Sans doute son ignorance de la langue y est elle pour quelque chose ? Je les trouve au contraire, très gentils. Une fois l’axiome « propina » accepté, j’essaie de plaisanter et de pratiquer au maximum l’espagnol.

Je suis ravie d’être parvenue à échanger quelques phrases. Hier, la chambrière a frappé pour proposer ses services pour notre linge. Juste après son passage, un énorme cafard se promène sur la table .J’appelle la dame toute fière d’avoir retrouvé quelque part dans ma mémoire « cucaracha, » cela ressemble à l’anglais cockroach, Elle vient la main gantée de PQ, l’insecte détale. La dame commente :
- « elle est partie déjeuner au restaurant »

Ce genre d’échange bénin m’enchante. Je n’ai as perdu mon temps à ânonner des phrases idiotes du genre « il supposait que vous ne vous opposeriez pas à ce projet ".

Ce n’est pas ce qui va me faire découvrir les secrets de l’île. J’ai d’autres occasions pour exercer mes talents. : commander des spaghettis, et revenir trois fois pour ma commande, qui prend des heures à arriver. Le serveur, découvrant que je comprends l’espagnol, me déclare, comme s’il me dévoilait un grand secret, qu’il est débordé !

Encore une anecdote : nous ne trouvons pas l’interrupteur des lampes de chevet (minuscule, sur le. socle) Dans tous les pays, nous avons eu des surprises avec l’électricité. A Chypre, il fallait que le voyant soit allumé, au Cap Vert, il fallait heurter l’abat jour.

L’animation de l’hôtel nous a tenu éveillées tard dans la nuit. Je me réveille juste au lever du jour. Sur le balcon l’humidité me surprend. Autour de la piscine le bord est mouillé. Les mogottes surgissent dans la brume. Les nuages traversent le ciel à vive allure j’ai mis un certain temps à réaliser qu’il fait très mauvais temps. Cela n’était vraiment pas prévu !
Le petit déjeuner-buffet, très abondant est le bienvenu puisqu’hier soir nous n’avons pas dîné.
Je fais des aller et retours entre la réception et la chambre pour savoir si la randonnée prévue avec le guide était maintenue malgré la pluie. Elle est annulée.

Que faire sous la pluie? Esperer

Que pouvons nous faire avec cette pluie ? La réponse est toujours la même « attendre que le temps change ! » Esperar, c’est attendre, pour moi, c’est aussi espérer. Pouvons nous espérer un changement ?

La météo existe –t elle à Cuba ? Quand j’interroge le personnel de l’hôtel, il semble que non. Pourquoi ? Deux réponses possibles.
- Soit, dans le monde ensoleillé des touristes, Cuba est un paradis où la pluie ne doit pas s’inviter. Autant la nier, même si elle s’impose, incontestable.
- Soit, à cause du blocus américain, la météo cubaine ne dispose pas des données pour prévoir le temps. La deuxième hypothèse n’est peut être pas si invraisemblable que cela, sur Internet, j’ai été incapable de trouver les prévisions pour Cuba et je n’avais trouvé que celles de Punta Cana en République Dominicaine.
- Soit, comme à Madère, une autre île, le temps est imprévisible.
Tous parlent d’un front froid.
Je suis assez surprise, je croyais que février était en saison sèche.
Puisque la randonnée est annulée, nous partons à pied par la route au village de Vinalès. Nous marchons sous une pluie intermittente.

Rencontre sous la pluie dans la campagne,

A peine, avons nous rejoint la route, qu’un homme, botté, habillé en paysan, les yeux clairs, m’aborde. Il nous a vues à l’hôtel,. Sa physionomie ne m’est pas totalement inconnue. Il nous invite chez lui à manger des pamplemousses et à boire un mojito. Je suis ravie de pouvoir entrer dans une maison cubaine. Sa maison est perchée sur la colline. Voyant le sentier raide, D renonce : ni le pamplemousse ni le mojito ne la tentent. Elle ne veut pas grimper le sentier escarpé et glissant. J’explique qu’elle a mal au genou, je montre, je ne sais pas comment on dit "« genou » en espagnol .
Leur petite maison est perchée sur un surplomb (cela me fait penser au Cap Vert) Dans la première pièce, un gamin souffreteux sous une couverture, regarde la télé, sa petite sœur, blonde est très éveillée. La mère est une brune souriante et avenante. Son mari disparaît parti éplucher un pamplemousse. Après les présentations, âge des enfants, travail, ils en viennent rapidement au vif du sujet : ils nous proposent de venir pour dîner pour 6$ du riz, du porc du potage. Je ne sais que répondre. Leur offre me tente bien après le ratage du dîner hier soir. Il n’y a rien de bon à attendre de l’hôtel. Quant à faire des provisions, c’est mission impossible. La femme me montre sa cuisine. Bien vide, en dehors d’un chauffe biberon électrique et d’une cocotte électrique en fonte primitive pour cuire le riz. Pas de cuisinière. A l’arrière de la maison, de nombreuses poules picorent. Ils en ont une vingtaine. L’homme me presse de répondre pour l’offre du dîner. J’explique qu’il faut que j’en parle à Dominique mais que je doute qu’elle puisse grimper le raidillon. Devant la gentillesse de ces gens, je n’ose pas opposer un refus brutal.

Je finis le pamplemousse et veux payer quelque chose. Bien sûr, ils commencent par refuser. J’insiste, « pour les enfants », ils me donnent un second pamplemousse pour D. Dans la maison, un petit chien très maigre reste dans mes jambes. Au mur un poster de chiens, je remarque « vous aimez les chiens » c’est le fils qui les aime. La gamine chasse un gros cafard en le poussant vers la porte. Pauvres conversations avec mon espagnol de base. L’homme cultive le tabac, il me propose des cigares que je refuse .La femme me demande mon âge. Je la laisse deviner. 45, non j’ai l’âge de sa mère, qui d’après elle me ressemble, petite grosse, énergique.
L’homme me raccompagne à la route pour connaître la réponse de D qui a pris la poudre d’escampette. Je l’appelle sans réponse, l’homme pense qu’elle n’a pas entendu. Moi, je sais qu’elle a très bien entendu et qu’elle le fait exprès. Je lui demande s’il sait siffler (si je le savais je l’aurais fait) cela a le don de l’exaspérer encore plus.

Vinales est un gros bourg composé de maisonnettes peintes en vert et en bleu ou en rose. A l’avant : un jardinet fleuri de colléus, impatiens et même de rosiers. Devant chaque maison, un auvent soutenu par une petite colonnade en ciment avec deux rocking-chairs et quelquefois une balancelle de bois. Je pense au Sud des Etats Unis, au quartier natal de Martin Luther King à Atlanta .

Sur les murettes de briques, des slogans politiques : « Socialisme ou la Mort » « nous vaincrons » Au moins trois bustes de José Marti surmontent des inscriptions patriotiques. Curieux monuments de souvenirs avec des portraits de martyrs ( ?) entourant le Che. J’ai compris de retour à l’hôtel les cinq portraits sur des baguettes disposés en étoile avec la mention "Volveran" : il s’agit de prisonniers politiques aux Etats Unis .Au dessus du bar leur photo figue avec leur biographie toujours en étoile avec" Volveran".

En ce matin de dimanche pluvieux, il y a pas mal de monde dans la rue. Les hommes bavardent sous les colonnades à l’abri. Dans une minuscule église baptiste, le pasteur fait son sermon. L’église catholique est très mignonne peinte de crème et de bleue mais elle est fermée. Il y a un temple maçonnique rose avec les compas et les outils traditionnels. On voit aussi une minuscule église pentecôtiste. Et partout les panneaux des CDR comité de défense de la Révolution.

Quelques véhicules circulent, camions et bus antiques, vieilles américaines,. Les touristes circulent en Yaris ou en Peugeot 206. Beaucoup de vélos malgré la pluie, tous bien vieux, quelques charrettes à cheval. Pas d’ânes ici, seulement des chevaux très maigres.
Les maisons portent des écriteaux proposant chambre et couvert pour les touristes. On nous invite plusieurs fois. Dommage que nous soyons à l’hôtel. ! Sous la pluie, la piscine est bien inutile. Ce serait plus intéressant d’être installées au village.

Tout m’intéresse. Les épiceries vides pour les cubains. En l’absence de marchandise visible, des tableaux noirs avec la liste et le prix de ce que l’on peut se procurer avec le rationnement.
La pharmacie est mieux garnie. La moitié des rayons est consacrée à la pharmacopée habituelle, l’autre à la médecine naturelle. Des panneaux détaillent les bienfaits de l’ail, de la manzanille et d’autres plantes.

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