mardi 2 septembre 2025

Frantz Fanon, un film de Abdenour Zahzah -(2025)






Pour le centenaire de Frantz Fanon deux films viennent de sortir. Le film d'Abdenour Zahzah n'est pas un biopic. Il ne montre pas l'écrivain, le militant mais le médecin, le psychiatre. 
Il se déroule entièrement dans l'enceinte de l'hôpital psychiatrique. A l'arrivée de Fanon les méthodes sont anciennes : enfermement, contention, électrochocs. Gardiennage pour le personnel infirmier. Nonchalance pour les médecins qui sont fiers de leurs pavillons "modernes", leur parc. Fanon va révolutionner l'hôpital en proposant une ouverture sur la vie, en permettant à ceux qui le peuvent de retourner dans leurs famille. 
Il va découvrir que l'hôpital est une réplique miniature de la société coloniale : séparation des colons et des algériens. Il découvre aussi cette guerre que l'on cache : expropriation des paysans (qu'on déclare fous) et la torture qui rend fous aussi bien les combattants qui la subissent que les policiers qui la pratiquent. 
Pas de théorie, une grande humanité. 



lundi 1 septembre 2025

MIROIRS NO. 3 de Christian Petzold (2025) Allemagne avec Paula Beer


Un joli film de Christian Petzold dont j'avais apprécié Le ciel rouge (2023). 
j'ai relu ma critique d'alors, je pourrais presque refaire la même. On entre très doucement dans l'histoire avant de se laisser entraîner . 
Une jeune musicienne mystérieuse, très jolie, Paula Beer, victime d'un accident de voiture, est recueillie dans une famille un peu bizarre dans un belle maison à la campagne non loin de Berlin. Choquée par l'accident, elle se laisse réconforter par Betty. Richard, le mari et Max le fils se retrouvent "en famille"....
La mise en scène laisse le spectateur imaginer un mystère, puis le découvrir . Rythme lent dans cette maison écolo, chevauchées à vélo, cuisine et pâtisserie.
Et pour qui est intrigué par le Titre Miroirs 3, c'est le tire d'un morceau de Ravel que la pianiste joue


vendredi 22 août 2025

LA BELLE DE GAZA de Yolande Zauberman - 2024.




Vous ne verrez ni Gaza, ni la guerre : le film a été tourné avant le 7 Octobre, à Tel Aviv. 

Mais vous verrez des guerrières : des femmes trans, palestiniennes pour la plupart qui ont choisi de vivre leur identité de femmes envers et contre tout, des personnalités qui s'affirment dans la rue, la nuit. 

Yolande Zauberman a filmé ce documentaire dans la nuit d'une rue chaude de Tel Aviv. Elle est partie à la recherche de "la fille qui est venue à pied de Gaza ", une légende. Elle montre sa photo dans la rue, se heurte à la méfiance, enquête jusqu'à ce qu'elle fasse connaissance avec ces filles trans qui livrent leur histoire. 

Elles parlent anglais, arabe, hébreu : multiplicité des langues. Israela est juive, elle a été mariée à un rabbin. Talleen Abu Hanna est palestinienne, chrétienne de Nazareth, israélienne de nationalité, elle a même été élue, Miss Trans Israel. Nathalie est sans doute cette belle de Gaza mais nous n'en saurons pas plus. Nadine est bédouine...
Certaines ont finalisé la transition, d'autres n'ont pas encore été opérées...Certaines sont clandestines et craignent la police, toutes craignent la réaction de leur famille. Elles racontent une histoire de décapitation par ses frères d'un jeune gay venu les rejoindre. 

Toutes sont confrontées à la violence et au mépris des hommes alors qu'elles se prostituent (ont-elles le choix?). Elles font face, parfois en se battant. 



Malgré toutes ces difficultés, elles ont un appétit et une joie de vivre. Elles assument leur culture, leur foi, aspirent à la reconnaissance de leur famille. 

Etrangement, après le 7 Octobre, j'ai lu beaucoup, regardé les documentaires et La Fille de Gaza m'a consolé en quelque sorte. Si ces femmes ont traversé autant de frontières et ont gardé leur désir de vivre comme femmes et leurs différences, on peut espérer!
 



lundi 28 juillet 2025

POOJA, SIR - Népal (2024) - Deepak Rauniyar et Asha Magrati




Un film népalais.
 En 2015, la population Madhesi, une minorité au Népal, se lève contre la discrimination dont ils font l'objet. Au cours d'échauffourées avec la police, deux enfants sont enlevés. Katmandou dépêche l'inspectrice Poodja pour retrouver les enfants. Le policiers, majoritairement des hommes voient arriver l'inspectrice, lesbienne, cheveux courts, vêtements  et démarche masculins.

Poodja va devoir subir des rebuffades de la part de la famille d'Alok, fils de la directrice d'école et de notables politiques. Son copain, d'origine modeste est d'ailleurs rapidement libéré. 

Deepak Rauniyar va nous promener dans les différentes couches sociales népalaises, montrer les Madhesi en colère dans des manifestations bon enfant ou plus violentes. très belles images de rue. L 'intrigue policière témoigne de la réalité sociale, des différences raciales.




Différences de genre. Il faut à Poodja surjouer l'autorité et l'autoritarisme pour se faire respecter de ses collègues comme des témoins interrogés : Poodja Sir Elle travaille avec une policière locale madhesi qui se fond dans la population. Féminine avec sa longue chevelure, son voile rouge, elle est néanmoins très efficace. Quand elle demande à Poodja pourquoi de cette allure masculine, elle n'obtient pas de réponse. 
Et pourtant, c'est bien en tant que femme qu'elle remarque le long cheveu de la ravisseuse, qu'elle soupçonne une fausse-couche (un policier ou même le médecin-homme n'y avaient pas pensé). C'est aussi en tant que femme qu'elle gagne la confiance des autres femmes.


dimanche 27 juillet 2025

The Things You Kill – Alireza Khatami (2025)




Alireza     Khatami, cinéaste iranien empêché de tourner ce scénario par les mollahs, l'a filmé en Turquie et en turc dans une région montagneuse de l'Anatolie. Ali, professeur de littératures comparées et de traduction rentre après 14 ans aux Etats Unis. Avec sa femme, vétérinaire, ils tentent d'agrandir la famille. 
Il sera question de famille et de paternité. Secrets de famille et violences intrafamiliales. A première vue, une famille moderne où  les femmes semblent actives, affirmées. Le décès de la mère,  très diminuée et infirme, paraît naturel à tous sauf à Ali qui relève une incohérence dans le certificat de décès. Que le père, Hamit, batte sa femme, l'enferme, la trompe était implicite pour le reste de la famille, et finalement accepté. Ali le soupçonne d'avoir tué sa mère. 

En plus de ces cours à la faculté, Ali s'occupe de son jardin (un verger). Un personnage énigmatique, Reza, surgit de nulle part. Reza semble le double d'Ali. Coïncidence? de la part du Cinéaste Alireza (les deux s'additionnent, se remplacent) personne ne semble remarquer la substitution. Sensation de malaise de la spectatrice qui ne sait plus ce qu'elle voit. Autre bizarrerie, le film commence avec le récit d'un cauchemar que fait la femme d'Ali où le père d'Ali demande de "tuer la lumière". Comme Ali enseigne la traduction, le vocable "tuer" n'est pas innocent...Et le film se bouclera sur cette étrange injonction. 

Je suis sortie désorientée du cinéma. Les critiques évoquent Lynch (je n'aime pas beaucoup Lynch) ou Buñuel (que j'admire). Le surnaturel n'a jamais été ma tasse de thé. En revanche, j'ai trouvé intéressante cette accusation du patriarcat et des violences faites aux femmes. 








mercredi 16 juillet 2025

Le Rire et le Couteau (2025) Pedro Pinho avec Sergio Coragem Cleo Diara (Portugal)

"Savez-vous que le film dure 3h31?" m'a dit le caissier. 
Surtout ne vous effrayez pas, vous n'allez pas vous ennuyer un instant.
 
Vous allez voyager, loin, en Guinée Bissau. Et il faut au moins 3h30 pour profiter du dépaysement, des nuits tropicales en boîte à vous trémousser sur la musique africaine, ou brésilienne, vous perdre dans le marché africain de Bissau, faire une promenade en pirogue dans la mangrove, partager le travail de construction d'une digue à la main, rencontrer les habitants qui ne s'apprivoisent pas tout de suite...En prenant votre temps, en Afrique de l'Ouest, le temps se déroule patiemment. 

Comme Sergio, l'ingénieur employé par une ONG, vous allez être désorienté et bousculé dans vos bonnes intentions. 
Sergio aime l'aventure, c'est cela qui l'a poussé à faire le voyage en voiture. 

Il n'a pas de préjugés, ni raciaux, ni sexuels et se laisse entraîner tantôt aux bras de Gui, brésilien et queer, tantôt dans ceux de Diara qui tient un bar restaurant où l'on fait la fête, même ans le lit d'une prostituée dans un bordel du chantier.

Sergio déborde de bonne volonté, entre dans la chaîne des paysans qui construisent à mains nues une digue pour lutter contre la salinisation des terres, motte après motte. Extrêmement consciencieux, il s'applique à faire le rapport environnemental préalable à la construction d'une route qui traversera soit une réserve naturelle avec des hippopotames en danger, ou les rizières des paysans.

 On le presse de rendre vite ce rapport, on le paierait même une somme rondelette - corruption? Sergio est un pur, il ne se laisse pas acheter. Même sous la menace, son prédécesseur a disparu. 

Justement cette bonne volonté, cette intégrité suggèrent une certaine naïveté. Les locaux ont un regard ironique sur ses tentatives de s'intégrer dans une société plus compliquée qu'il ne l'imaginait. Gui, noir au Brésil est considéré blanc en Guinée. Qui est vraiment Diara sous sa perruque blonde, ses extensions rousses? 

Et le couteau du titre? C'est le titre d'une chanson de Tom Zé,. le seul couteau du film est la machette qui coupera une noix de coco fraîche. 

 
Laissez vous embarquer!








dimanche 29 juin 2025

ONCE UPON A TIME IN GAZA des frères Tarzan et Arab Nasser




Il était une fois à Gaza, Il était une fois dans l'Ouest? Un western à Gaza? 

Ce serait plutôt Le Bon, La Brute et Le Truand .

le Bon : Yehia, l'étudiant un peu timide, sérieux embarqué malgré lui dans un trafic, par amitié pour Le Truand : Osama, grosse carrure, grand cœur, dealer mais pas balance, avec encore un reste du sens de l'honneur, et beaucoup d'empathie et d'amitié. La Brute, Abu Sami, le flic ripoux, violent, qui n'hésite pas à tuer qui le gène. 

Un film de trafic de drogue :  tramadol, lyrica, pilules glissée dans le pain pita d'un falafel. Plutôt de l'artisanat que du grand banditisme. Tout cela se déroule en 2007 avant les destructions massives, mais toujours sous blocus et bombardement.  

Film dans le film. Yehia est repéré par un cinéaste pour un film de propagande, il sera le héros. Timide, malingre, il n'a ni le physique, ni le mental pour jouer le héros. On le transformera. Le ministère de la Culture va financer le film, mais les cinéastes manquent de tout. Pas d'effets spéciaux? On utilisera des armes de guerre pour faire plus vrai. On prendra dans la rue les figurants, les enfants au risque que les parents ne protestent. 

A Gazawood on est loin d'Hollywood! Tout est un peu minable, mais justement c'est cela qui est drôle, touchant. Les frères Nasser ont un sens de l'humour très développé. L'humour comme survie (tiens, un peu comme l'humour juif?)

Et puis, l'acteur devenu héros va se comporter comme tel....Mais là je ne divulgâcherai pas

On sourit beaucoup, on rit un peu. Si vous allez le voir pour avoir des images de la vie à Gaza, sachez que le film a été tourné en Jordanie. Les frères Nasser ont été très soigneux pour reconstituer leur Gaza, pour que leurs amis, leur famille retrouvent Gaza.


 (cela je l'ai entendu dans le podcast  : Les Midi de Culture : Arab Nasser : "les Gazaouis supportent des conditions de vie que l'humanité ne peut pas supporter . Mardi 24 juin)